Eriaka's Chronicles - 6

Publié le par Eriaka

   Led avait intégré la guilde depuis une semaine. Les gars l’avaient vite surnommé Led-Shrrg à cause de ses phalanges qui raclaient la poussière. Je n’arrivais pas à m’y faire ... Ce bruit avait le chic pour me rendre nerveuse et je n’étais pas la seule.

Pour ajouter à la tension générale, le chef était parti à la hâte depuis cinq jours. Une missive l’enjoignait de rejoindre au plus vite Tainéla. Un conseil exceptionnel allait s’y tenir qui réunirait tout les chefs de guilde Brâkmariennes et Bontariennes confondues ... De mémoire d’homme, jamais pareil rassemblement n’avait eu lieu sur les terres d’Amakna. Bien sûr, la lettre n’expliquait pas la raison de cette convocation mais elle provenait d’Ax en personne et nul ne conteste les décisions du mage ...

 

   Le vieux nous avait laissé sous le commandement de sa femme ... Eternia sait combien je la respecte et apprécie son esprit subtil au milieu de cette bande de barbares, mais bon sang lui confier la direction du camp ! Même pour quelques jours ! C’était comme demander à une gentille maîtresse de faire visiter un musée de porcelaine à des bitoufs sous amphétamines ! Dès le premier jour de son intendance elle a annoncé la couleur ...

 

« Bien, mes amis, j’ai de bonnes nouvelles pour vous. En l’absence de mon mari, toute expédition dangereuse est annulée ! Je vous apprécie trop pour être responsable du moindre accident ... »

 

   Les gars ont tiré une tronche d’ahuri à rendre jaloux le plus crétin des crétins ! Seuls Senseï et Ibéria ont soupiré de bonheur à l’idée de pouvoir passer des heures dans les prairies à gambader, main dans la main ...

 

   Devant le silence général elle a ajouté :

 

« Allons, allons, je sais combien il est dur pour vous d’exprimer votre gratitude en public. Ne vous en souciez pas, votre silence parle de lui-même. »

 

   C’est sans doute ce qui me plaît le plus chez elle. Cette bonté, qui lui fait voir le monde avec une telle compassion que les messes basses ou les sous-entendus n’y ont pas leur place.

 

« Bien, voici le programme que je nous ai concocté pour les jours à venir ! A-t-elle poursuivi. Nous allons follement nous amuser ! Tout d’abord, un petit jeu de course et d’habileté pour attraper les bouftous du cheptel qui nécessitent une tonte, il faudra également profiter de se temps d’accalmie pour nettoyer vos tentes qui, croyez moi, ne sentent pas la rose. J’aurai besoin également de quelques téméraires, pour administrer à mon dragonnet un sirop pour la toux, le pauvre a une angine qui l’empêche de cracher son feu correctement. Ho j’oubliais pour ceux que cela intéresse, ce soir naissance, si tout ce passe bien, de dindes Emeraude. Un beau spectacle en perspective n’est-ce pas ? Une fois toutes ces tâches accomplies hé bien nous verrons ... Je suppose qu’un donjon des Champs ne serait pas imprudent à condition que Vrael nous accompagne.  »

 

   A cet instant, le plus crétin des crétins aurait rebroussé chemin, persuadé de ne pouvoir récupérer son titre ...

 

« Chef, je trouve tout ceci très palpitant. Sincèrement j’aimerais participer à toutes ces activités mais je me suis engagé auprès d’un ami pour l’aider à combattre un Tynril. Pourrais-je avoir une dérogation pour le rejoindre ? »

 

   C’était mon mari. Il avait sorti tout l’attirail pour obtenir gain de cause : yeux de velours, voix chaude qui ronronne, ton condescendant, sourire de bellâtre et bien sur cette fabuleuse introduction : « chef », histoire de ne pas remettre en cause les pouvoirs d’Eternia. Le saligaud, il savait y faire !

 

« Le Tynril ?! C’est sans doute l’un des monstres les plus redoutables de ce monde ! Je ne peux pas t’autoriser une telle escapade, je suis désolée, s’il t’arrivait malheur je ne me le pardonnerais pas. »

 

«  Vous avez raison chef, mais je n’aurai jamais osé vous demander cela si je n’étais pas sûr de la victoire. Voyez-vous l’ami en question est Xx-lionel, ce fameux Sram qui combat aux grobes les yeux fermés. Sincèrement, ce Tynril n’a aucune chance.... »

 

   Là, les gars ont balancé un coup d’œil à Zeux comme s’il s’agissait de l’ennemi à abattre ... Non seulement il allait se payer du bon temps au combat mais en plus avec un Sram ! Je connais bien mon mari, je suis persuadée qu’intérieurement il jubilait ...

 

« Bon, je te fais confiance. Si c’est avec ce Sram effectivement le risque est moindre. »

 

   A cet instant, certains ont vu là le filon à exploiter ... Le Sacri Kricket a fait une tentative trop chaotique pour sembler vraie.

 

« Heu, m’dame moi aussi j’ai une proposition pour un Chêne mou ... Tranquille j’vous promets... avec des potes à moi, d’vrais tueurs. Zont beaucoup d’expérience alors un Chêne mou... Pouaf ... Vous imaginez ...  Two fingers in the nose ... C’est pas les yeux fermés qu’on le butte, c’est les mains attachées ... Une vieille souche quoi, pour alimenter le feu ce soir... J’peux y aller ? »

 

« Certainement pas ! Une exception pas deux. »

 

   Là, les gars ont balancé un coup d’œil à Zeux comme s’il s’agissait de l’ennemi à torturer avant de l’abattre ...

 

   Voilà comment nous avons passé une semaine à rien foutre, à tournoyer comme des guêpes prises au piège. Nos dards étaient à l’affût du moindre incident, prêts à piquer. Mettez une cinquantaine de guerriers au repos forcé et vous regretterez les coups d’état, les intrigues et les meurtres qui réclament vengeance ! Exception faite d’Eternia, qui conserva ses résolutions. Loin d’être bête, elle avait très vite compris que ses projets n’obtenaient pas l’approbation générale, mais cette bonne femme a un sacré tempérament. Au bout du troisième jour, elle a rassemblé tout le monde et d’une voix tranchante à déclaré :

 

« Vous croyez que je ne sais pas ce qui se murmure lorsque j’ai le dos tourné ?! Vous croyez que j’ignore vos combines pour pouvoir vous échapper et aller briser quelques nuques ? Le premier qui ose sortir de ce camp sans ma permission devra répondre de ses actes devant mon mari dès son retour ! Est-ce clair ? Je suis peut-être trop fleur bleue à vos yeux mais personne, vous m’entendez, personne ne mourra sous mon commandement ! Il n’est pas question que ma conscience me hante le reste de mes jours pour la mort de l’un de vous !!! » 

 

   Eternia ne s’énerve pas souvent, Eternia ne s’énerve jamais pour ainsi dire ... Mais là ... Pffff ... j’crois qu’on a tous regretté de ne pas aimer le crochet et les jeux de société ...


à suivre ...

Publié dans Chroniques

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